dimanche 8 avril 2007

Lettre aux candidats à  la présidence de la république en 2007

A la veille des élections présidentielles, l'AFDA a adressé à  6 des candidats en lice un questionnaire en 5 points sur la relance de l'enseignement de l'arabe.


Monsieur,


Dans quelques jours, nos compatriotes désigneront un nouveau président de la République. Notre association, créée en 1973, souhaite connaître les positions des candidats vis-à-vis de l’enseignement de l’arabe dans les établissements scolaires publics et privés sous contrat. Cinq questions vous sont posées à la fin de cette lettre. Permettez qu’auparavant l’on vous donne un éclairage sur un cas qui, s’il ne constitue pas un grand enjeu de campagne, peut s’inscrire dans une véritable politique d’ouverture.

Les études d’arabe en France, comme vous le savez certainement, ont une fort ancienne histoire puisqu’elles remontent au règne du roi François 1er avec la création d’une chaire d’arabe au collège des "Lecteurs royaux » devenu plus tard le Collège de France. La Révolution en a fait l’une des langues principales enseignées au sein de l’Ecole des langues orientales créée en 1795. Nous avons célébré l’an passé le centenaire de l’agrégation d’arabe, c’est dire combien cette discipline est ancrée au cœur de notre système d’enseignement depuis fort longtemps.

Aujourd’hui cette langue est enseignée à environ 7500 élèves dans l’enseignement secondaire. Ces effectifs d’élèves, aux yeux de notre association, ne correspondent pas à la place qu’occupe la langue arabe dans l’histoire de la République.

Nos universités en accueillent plus du double mais peu d’étudiants persévèrent jusqu’à devenir de véritables spécialistes. Or, qu’il s’agisse de diplomatie, de recherche ou de commerce international ou encore tout simplement de gens capables d’établir des ponts avec l’autre rive qui borde d’est en ouest la méditerranée au sud, notre pays a besoin d’arabisants de qualité. Il faut les former et plus cet apprentissage commence tôt, plus il est solide.

Le monde arabe, ses langues et ses populations, dans l’imaginaire de nombre de nos concitoyens, sont associés aux guerres coloniales ou de libération nationale, au conflit israélo-palestinien ou encore au terrorisme dont les développements peu favorables dans l’actualité quotidienne depuis de nombreuses années, ne font qu’ajouter à cette spirale négative. Ce n’est hélas pas la sympathie ressentie vis-à-vis du monde arabe pour ce qu’il recèle de trésors touristiques, qui pourrait enrayer cette accumulation de facteurs de minoration, bien au contraire !

A tout ceci, il convient, en outre, d’ajouter le discrédit que l’immigration, jamais bien en cour dans nos sociétés développées et bien souvent placée au cœur des joutes électorales, fait peser sur cette langue.

On pourrait imaginer que la présence de nombreuses populations d’origine maghrébine, par exemple, constitue pour l’enseignement de cette langue un facteur de développement. Il n’en est rien. Les populations immigrées, parce qu’elles ne veulent pas compromettre les chances de la stratégie d’intégration qu’elles s’efforcent de consolider, font le plus souvent, s’agissant de langues vivantes étrangères pour la scolarité de leurs enfants, les mêmes choix que tous nos compatriotes.

Je ne souhaite pas m’étendre plus longtemps sur ces facteurs de minoration. Ils sont nombreux et n’offrent, me semble-t-il, que peu de prise au déni. L’enseignement de l’arabe est au cœur de nos contradictions françaises. On pourrait, à bon droit, imaginer qu’il bénéficie à raison de toute l’attention des pouvoirs publics. Là encore il n’en est rien. Le ministère de l’éducation nationale, se félicite de promouvoir le plurilinguisme en raison du nombre de langues - impressionnant au demeurant - figurant sur la palette du choix offert aux familles. Le principe consiste à respecter, autant que faire se peut, le choix des familles. Mais, c’est une illusion d’optique et c’est surtout un jeu de massacre pour une langue comme l’arabe qui doit lutter contre des courants puissants qui ne lui sont, on l’a vu,  guère favorables. On laisse jouer les grandes masses et on se contente, en signe d’impuissance, de lever les bras devant les évolutions négatives des effectifs d’élèves.

L’attitude des chefs d’établissement vis à vis des chances d’ouverture d’une section d’arabe dans un collège ou un lycée est décisive. Beaucoup parmi eux sont, certes, bien disposés, mais pas tous et surtout, - les membres de mon association ont pu le constater à maintes reprises - ils sont bien souvent peu au fait de ce phénomène. Je suis convaincu que l’histoire et la sociologie d’un enseignement comme celui de l’arabe devraient constituer un point important de la formation dispensée aux chefs d’établissement, voire des entretiens qu’ils subissent pour leur titularisation.

Trop nombreux sont les chefs d’établissements qui se dédouanent vis-à-vis de cette discipline sensible qu’est l’arabe en l’offrant en option facultative ou en permettant l’ouverture d’un club d’arabe. C’est louable mais insuffisant. L’arabe mérite une place à part entière. Il en a besoin. La mode linguistique est plus volontiers tournée aujourd’hui vers l’extrême-orient que vers le Moyen-Orient. Un enseignement laïque et valorisé, de l’arabe dans nos institutions, encouragé par les autorités académiques, aurait peut-être contribué à amoindrir les facteurs de déclenchement des troubles que nous avons connus il y aura deux ans à l’automne dans les banlieues de nos grandes villes. Il faut soutenir l’enseignement de l’arabe dans l’enseignement public et privé sous contrat – ce pourrait être dans des lycées musulmans sous réserve qu’on y enseigne l’arabe en conformité avec les  programmes du ministère - par une politique volontariste afin d’offrir une alternative de qualité aux enseignements dispensés sans toujours la juste compétence par des organismes pas toujours bien intentionnés.

Je vous serais reconnaissant, au nom de l’Association française des Arabisants de bien vouloir me donner votre réponse aux questions suivantes :

1)Le choix d’ouvrir ou de maintenir ou non une section d’arabe est souvent cornélien pour un chef d’établissement dont la dotation horaire globale43] est comprimée année après année. Sacrifier un enseignement qui ne mobilise bien souvent que peu d’élèves est tentant, au nom des grandes masses, pour ces chefs d’établissement. Seriez-vous d’accord pour placer un enseignement comme celui de l’arabe hors de la DHG ?

2)Avez-vous l’intention de favoriser par des moyens supplémentaires les établissements qui font le choix courageux d’ouvrir ou de maintenir des sections d’arabe ?

3)L’ouverture de classes dites « bilangues », pourrait être favorisée partout où, dans le primaire, sont implantés des enseignements de langue et culture d’origine21] dont les effectifs,  pour le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, dépassent les 35000 élèves. La déperdition vers l’enseignement de l’arabe dans le secondaire est énorme. Que comptez-vous faire ?

4)Donnerez-vous suite à notre proposition de mieux sensibiliser les chefs d’établissements à la particularité de l’enseignement de l’arabe ?

5)Comptez-vous favoriser l’enseignement de l’arabe par une information systématique donnée à toutes les familles ?

Vos réponses seront communiquées à l’ensemble de nos adhérents et seront mises en ligne sur notre site.

Je vous remercie de l’attention que vous aurez bien voulu me prêter et vous prie de croire à l’assurance de toute ma considération.




Benoît Deslandes

Président de l’AFDA