mercredi 10 mars 2004

La pétition "Yakfi"; Pour une vraie politique de l'enseignement de l'arabe en France

Au printemps 2004, le ministère de l'éducation nationale décidait de fermer le CAPES et l'agrégation d'arabe en 2005. En réaction, un texte émanant d'étudiants de l'INALCO avait été diffusé, accompagné d'une pétition hébergée sur un site aujourd'hui fermé. 
La mobilisation avait permis de sauver l'agrégation, mais pas le CAPES, qui fut fermé en 2005, puis à nouveau en 2011.

Pour mémoire, nous reproduisons le texte de cette pétition ici.



A la suite de l’annonce par le ministère de l’éducation nationale de la suppression pure et simple du CAPES et de l’agrégation d’arabe littéral pour l’année 2005, nous sommes un certains nombre d’étudiants de l’INALCO qui, lassés par des années d’incohérences et de revirements dans la politique (si elle existe.) du ministère à l’égard des études arabes, avons décidé de nous faire entendre au moyen d’une pétition dont voici le texte :

Yakfi !
Pour une vraie politique de l’enseignement de l’arabe en France

A l’heure où des conceptions moyenâgeuses telles le « choc des civilisations » connaissent une nouvelle jeunesse, on s’attendrait à ce que l’Etat soit sensible à la nécessité de développer un enseignement scientifique et rationnel de la langue et de la culture arabes dans le secondaire et le supérieur. Il n’en est rien. En France, près de 7000 élèves apprennent l’arabe dans l’enseignement secondaire. Ceux qui sont formés à cette langue hors de notre système éducatif sont aujourd’hui de six à sept fois plus nombreux.
C’est pourtant dans l’enseignement public seul que les élèves et les étudiants auront la certitude de se retrouver face à des enseignants dotés d’une vaste culture couvrant les domaines français et arabe, alliant à leurs compétences linguistiques et pédagogiques un esprit scientifique et critique. C’est dans l’enseignement public seul que les élèves et étudiants auront la garantie de recevoir un enseignement dénué d’arrière-pensées idéologiques et débarrassé des préjugés et des fantasmes qui poursuivent trop souvent la culture arabe.
Or notre domaine d’études est victime, depuis plusieurs années, de décisions à courte vue et de l’absence de projet à long ou moyen terme. Alors que, rappelons-le, l’enseignement public ne couvre que 15% de la demande, les revirements et les incohérences du ministère sont notre pain quotidien et l’absence de projet d’ensemble est flagrante.

Quelques exemples :

- Sous l’impulsion de Claude Allègre, la décision est prise de développer l’enseignement de la langue arabe. Les postes proposés aux concours sont portés à 32 (20 pour le CAPES, 12 pour l’agrégation), auxquels il faut rajouter les concours internes, supprimés aujourd’hui, ainsi que les PLP2, également sacrifiés. Cependant, cette décision n’est relayée ni par les recteurs ni par les directeurs d’établissements : le nombre d’enseignants augmente, mais les ouvertures de classes ne suivent pas, mettant quasiment un certain nombre d’enseignants au « chômage technique ».

- Fermeture de la section d’arabe au lycée Masséna à Nice, pourtant l’une des vitrines de l’enseignement de l’arabe en France, pour des raisons politiques. (NB : elle a été rouverte depuis)

- Pendant des années, le programme de bourses pour les stages des arabisants à l’étranger, qui constitue l’un des maillons essentiels dans la formation de futurs enseignants et chercheurs, a fait l’objet d’annonces de suppression chaque année ; chaque année les enseignants sont parvenus à obtenir leur maintien, au prix de beaucoup d’efforts qu’ils auraient sans doute préféré réserver à des tâches plus conformes à leurs fonctions et à leurs projets scientifiques et pédagogiques.

- Depuis deux ans, le nombre de postes proposés aux concours a été divisé par deux. L’an dernier, le ministère a annoncé la suppression de l’agrégation pour 2004 avant de battre en retraite face aux protestations des étudiants et des enseignants. Cette année, la fermeture pure et simple du CAPES et de l’agrégation est annoncée pour 2005, pour la première fois depuis la création de l’agrégation d’arabe en 1905...
Ça suffit !
Parce que nous avons mieux à faire que de rédiger et signer des pétitions ou de démarcher des ministères, parce qu’aucun travail efficace n’est possible sans perspective d’avenir, nous, enseignants, étudiants et simples citoyens, convaincus qu’une compréhension rationnelle et dégagée de toute arrière-pensée de l’aire culturelle arabo-musulmane sera l’une des clés de la cohésion et de l’épanouissement de la société française dans un avenir proche, réclamons une politique cohérente, inscrite dans le long terme, combinant ouverture de classes, créations de postes et objectifs pédagogiques précis.
Pourquoi nous aider ?
Parce que très peu de gens savent quelle est la situation de l’enseignement de l’arabe en France et plus nous nous ferons connaître, plus nous gagnerons de poids. Parce que le monde des études arabes est un petit monde. Nous n’atteindrons jamais un nombre de signatures astronomique, mais le degré de mobilisation sera un bon indicateur, sachant que le nombre d’étudiants en arabe dans le supérieur ne doit pas dépasser les 2000. Dans ces conditions, recueillir 500 signatures serait déjà un succès. [NDLR: Finalement, la pétition avait recueilli plus de 2000 signatures en 4 semaines]
C’est pourquoi nous cherchons des relais. Le mouvement est parti de l’INALCO. Des annonces seront donc faites dans les amphis de cet établissement, le texte de la pétition sera affiché. Il nous faudrait des volontaires pour faire la même chose, dans les autres facs d’arabe qui doivent jouer un rôle moteur dans la diffusion de cette pétition dans la société. Contactez-nous.