En décembre dernier, Nicolas Sarkozy, en visite d'Etat en Algérie, déclarait dans son discours prononcé à l’université Mentouri :
Je souhaite que davantage de Français prennent en partage la langue arabe par laquelle s’expriment tant de valeurs de civilisation et de valeurs spirituelles. En 2008, j’organiserai en France les Assises de l’enseignement de la langue et de la culture arabes, parce que c’est en apprenant chacun la langue et la culture de l’autre que nos enfants apprendront à se connaître et à se comprendre.
Ces assises se tiendront ce 9 octobre à l'Assemblée Nationale. Les professeurs d'arabe, qui réclament depuis longtemps une remise à plat de l'enseignement de cette discipline au service d'une politique ambitieuse de service public d'enseignement de l'arabe en France, ne peuvent que saluer cette décision.
En effet, depuis le XVIe siècle, l’école arabisante française a formé des militaires, des diplomates et des savants qui, depuis Antoine Galland et sa traduction des Mille et une nuits en 1704, font l’admiration de nos partenaires occidentaux et arabes.
Ces accomplissements n’ont été possibles que grâce à un réseau d'institutions et un engagement de l'Etat constant dès l'origine.
Pourtant, à l'heure où le développement des études arabes est élevé au rang de priorité nationale aux Etats-Unis, le désengagement de la République française est aujourd'hui patent.
L'enseignement de l'arabe dans le secondaire périclite. Il n'assure la scolarisation que de 6000 à 7000 élèves, en stagnation depuis une dizaine d'années dans un contexte de très forte progression de la demande : les inscriptions en université ont crû de 30% environ depuis la fin des années 1990. Pourtant, en dépit de cet afflux d’étudiants, nous n’assistons cette année à aucune nouvelle création de postes d’arabe dans le supérieur.
Nos concitoyens se tournent donc vers les enseignements de langue et culture d'origine (ELCO) financés et assurés par le Maroc, l'Algérie et la Tunisie, à destination des enfants de leurs ressortissants. Les ELCO prennent en charge environ 50 000 enfants (principalement à l'école primaire), soit six fois les effectifs de l'enseignement secondaire public.
Par ailleurs, de plus en plus de familles sont contraintes de se reporter sur un secteur associatif où, trop souvent, la langue arabe est réduite à sa dimension religieuse : d'après une estimation du ministère de l'intérieur, 65 000 jeunes étaient concernés en 2003. Naturellement, tous les cours de ce secteur ne sont pas des lieux d'endoctrinement, loin s'en faut, mais il n'en reste pas moins troublant que la République, en même temps qu'elle proclame son attachement à la laïcité, paraisse abandonner aux religieux une langue de culture et de communication parlée par 300 millions de locuteurs.
Ce sont 115 000 jeunes qui sont formés en dehors ou en marge du service public et laïc d'enseignement de l'arabe, lequel peine à réunir ne serait-ce que 6% de ces effectifs! Comment en est-on arrivé là? Par manque d'enseignants pour satisfaire cet engouement ? Certainement pas : le service public peut compter aujourd'hui sur plus de 200 professeurs d'arabe certifiés et agrégés. L’Etat dispose donc des moyens humains pour offrir une alternative à ces jeunes. Mais ces moyens ne sont pas adéquatement utilisés.
Espérons donc que ces assises de la langue et de la culture arabes marqueront un retour de la puissance publique, qui pourrait notamment prendre la forme de :
- la création, dans toutes les agglomérations de plus de 100 000 habitants, d’une offre complète d’enseignement de l’arabe, du primaire au supérieur ;
- de la multiplication des sections européennes et de langues orientales (au nombre de deux en arabe aujourd’hui) pour favoriser la mise en place de filières d’excellence;
- d’instructions très claires aux recteurs et aux chefs d’établissement afin qu’ils fassent connaître au public l’existence de ces dispositifs, seuls garants de la pérennité d’un enseignement laïc et républicain digne du rôle historique de la France et de ses intérêts dans le monde .