Je voudrais, avant toute chose, adresser les remerciements de l'Association Française des Arabisants, au nom de laquelle j'interviens ici, à M. le Président de la République et à Son Altesse l'Emir de l'Etat du Qatar à qui nous devons d'être réunis ici pour ces premières Assises de l'enseignement de la langue et de la culture arabes.
Notre association, fondée en 1973, s'efforce depuis cette date de rassembler et coordonner les efforts des enseignants, chercheurs, diplomates, journalistes et d'une façon générale de tous ceux qui pensent que les études arabes et leur promotion constituent un enjeu important pour notre société, comme du reste elles l'ont été de façon continue depuis que François Ier créa au XVIe siècle le premier enseignement stable d'arabe en France.
Depuis plus de quatre siècles, la Nation fonde, finance et soutient les institutions nécessaires au rayonnement de l’école arabisante française, laquelle forme en retour les cadres et savants arabisants qui permettent à la France d’assurer un rôle de premier plan sur les rives de la Méditerranée. Dans le même temps, cet engagement continu de l’Etat a fait de l’école arabisante française l’une des plus prestigieuses du monde, d'Antoine Galland, premier traducteur des Mille et une nuits au XVIIIème siècle jusqu'à André Miquel, professeur et administrateur honoraire du Collège de France, grand spécialiste de littérature arabe et – par ailleurs - membre de l'Association Française des Arabisants. On pourrait aussi mentionner Henry Laurens, professeur lui aussi au Collège France et qui s’exprimera à l’issue de cette journée.
Ces Assises, voulues par le Président de la République, accueillies au sein de l’Assemblée Nationale, s’inscrivent avec force dans cette relation quadriséculaire entre la Nation et ses arabisants. Mais, si ces éléments historiques ont leur importance, ce n’est pas pour célébrer un passé, fût-il glorieux, que nous nous retrouvons aujourd’hui, mais pour envisager l’avenir.
Cette nécessaire réflexion se fera en deux volets : nous évoquerons d'abord les enjeux économiques et culturels d’un enseignement de l’arabe au XXIe siècle, puis nous réfléchirons aux moyens éducatifs et scientifiques de relever ce défi.
Les échanges entre la France et le monde arabe fourniront matière au premier forum, intitulé « La langue arabe : des enjeux culturels et économiques dans la perspective de l’Union pour la Méditerranée ». Il vous sera présenté par M. Clovis Maksoud, professeur de relations internationales à l’Université américaine de Washington. Ces enjeux économiques et culturels ne sauraient être négligés: la langue arabe est la langue officielle d’un nombre important des Etats membres de l'Union pour la Méditerranée. Son rôle en tant que langue d'échanges culturels ou économiques est donc appelé à s'accroître et se renforcer. On comprend donc sans peine qu'elle soit d'ores et déjà un puissant facteur de réussite dans le monde professionnel (ce sera le thème de notre première table ronde).
On mesure en outre l'importance du rôle qu'auront à jouer les associations et les institutions culturelles dans la promotion de cette culture, surtout si, comme le suggérait M. Dominique Baudis, président de l'Institut du Monde Arabe, dans une tribune parue cet été dans le journal Le Figaro, nous commencions la construction de cette union par la culture. Ce sera le thème de notre deuxième table ronde.
Enfin, alors que ces Assises sont parrainées par le Qatar, patrie de la chaîne satellitaire al-Jazeera, comment pourrions-nous oublier le rôle que les médias seront amenés à jouer dans l’élaboration d’une culture méditerranéenne? Nous y consacrerons la troisième et dernière table ronde de la matinée.
Après un déjeuner offert à l’Assemblée Nationale, nous pourrons réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour relever ces défis. Ce sera le thème de notre second forum consacré à : « L’enseignement de l’arabe », présenté par M. François Perret, doyen de l’inspection générale de l’Education Nationale.
Ce sera l’occasion de se pencher sur les dimensions scientifiques et éducatives du problème : on sait en effet la charge affective que représente la langue arabe pour nombre de nos concitoyens issus ou non de l’immigration. A l’heure où les tentatives de récupération politico-religieuses et de travestissement de la culture arabo-musulmane n’ont jamais été aussi fortes sur les deux rives de la Méditerranée, on mesure la nécessité impérieuse dans laquelle nous nous trouvons de proposer un enseignement de l’arabe ancré dans nos traditions universalistes, appuyé sur la recherche scientifique, et ouvert à tous, partout sur le territoire. Autant de sujets qui seront abordés lors de la première table ronde de l’après-midi.
Quant à la seconde, elle se penchera sur les formes que pourrait prendre une nouvelle dynamique de cet enseignement, et réfléchira au meilleur parti à tirer de cet héritage unique en Occident que constitue notre modèle laïque et universaliste de formation des arabisants, qui est présent, rappelons-le, à tous les échelons du système éducatif, de l'école primaire à l'université. En effet, cette discipline dispose d’enseignants, certifiés et agrégés, d’inspecteurs, de programmes officiels et de Départements d’université mais qui le sait ?
Il faudra s’interroger sur le fait que ce dispositif n’est pas employé de façon optimale et que l’information autour de son existence n’est pas suffisamment diffusée. Le Ministère de l’éducation nationale saura-t-il mobiliser ses ressources et ses acteurs à tous les niveaux pour changer cet état de fait, pour mieux faire connaître aux familles les possibilités d’apprendre l’arabe dans nos établissements, pour développer son offre de formation ?
De même, saura-t-on tirer le meilleur parti de la décentralisation et de l’autonomie des universités afin que soit souligné, de manière incitative, le caractère prioritaire des études arabes pour l’avenir de notre pays à l’heure de l’Union pour la Méditerranée ?
Ne faudra-t-il pas enfin affirmer une volonté politique pour soutenir le difficile travail assuré au quotidien par les enseignants d’arabe dans les collèges, les lycées et les universités ?
Il y a débat et nous sommes impatients d’écouter ces tables rondes : chacune de celles-ci durera quarante-cinq minutes. Je serais reconnaissant aux modérateurs de veiller à ce que les interventions n'excèdent pas sept à huit minutes afin que nous puissions ménager, pour chacune de ces thématiques, un moment de dialogue avec le public dont les expériences et les interrogations viendront utilement nourrir nos débats.
A 17h00, MM. Henry Laurens, professeur au Collège de France, et Joseph Dichy, professeur à l’université Lumière-Lyon-II et secrétaire du comité inter-universitaire des études arabes, procèderont à la synthèse de cette journée.
Puis M. Dominique Baudis, président de l’Institut du monde arabe, prendra la parole avant que M. Darcos, Ministre de l’Education nationale, ne clôture de ces premières assises de l’enseignement de la langue et de la culture arabes en France, à propos desquelles l’Association française des arabisants formule le voeu qu'elles se renouvelleront avec une régularité à la hauteur de l'importance des enjeux que nous venons d'évoquer.
Texte de l'intervention de l'AFDA aux Assises, prononcé par M. Hoorelbeke au nom de l'association française des arabisants (AFDA), le 9 octobre 2008, à l'Assemblée Nationale, en salle Victor-Hugo.